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L'anecdote du jour

L'épisode Le cerveau (s12) nous apprend qu'Homer dans son état de stupidité habituel, a un Q.I. de seulement 55 !

Les Simpson à la TV

Aucune diffusion à venir.

Déroulement du doublage d'un épisode

Petit après-midi oisif devant la télé. Le héros, affalé en slip dans son canapé, a les yeux mi-clos. Qui soudain s'écarquillent. Une idée lumineuse ? Non, rien qu'une petite soif. Il s'extirpe de l'emprise du sofa et se dirige vers le frigo. Et là, c'est l'horreur : "Oh punaise, y'a plus d'Duff... Marge ?" Quand Homer Simpson (car c'est de lui qu'il s'agit) n'a pas son quota de bière, il le fait savoir. Et d'une façon qui sonne on ne peut plus naturelle à nos esgourdes. Pas moins, en tout cas, que la même complainte ânonnée en anglais. Osons le dire : s'il y a d'épouvantables doublages, certaines versions françaises valent bien leur pendant original. Et les "Simpson" en font partie. Depuis onze ans, les interprètes français qui font vivre la faune de Springfield nous offrent une version royale de luxe de la série imaginée par Matt Groening. Mais, ici comme ailleurs, les comédiens ne sont que la partie immergée de l'iceberg de tout le petit monde qui donne aux séries ou aux films le mot juste en français.

Tout commence quand arrive au studio de postsynchronisation l'œuvre étrangère, accompagnée du script original. Cassette vidéo pour un produit télé, ou pellicule 35 mm pour un film de cinéma, elle possède une particularité de taille : deux bandes sonores. Si la première est celle qu'ont entendue les spectateurs du pays d'origine, la seconde est dépouillée de tout dialogue. Elle ne comprend que les bruitages et la musique. Ceux-ci serviront à habiller la future version française, qu'il s'agit maintenant d'écrire !

Pour cela, série, dessin animé ou long-métrage sont d'abord visionnés par un premier technicien, le détecteur. Celui-ci va retranscrire, en s'appuyant également sur le script, la totalité des dialogues sur une longue bande opaque, au format d'une pellicule de cinéma : la "bande-mère". Calée sur la toute première image de l'œuvre originale, elle se déroulera, comme du ruban adhésif, jusqu'au générique de fin. Pour un Simpson d'une vingtaine de minutes, c'est sur des mètres et des mètres de bande-mère que se succèdent les dialogues anglais. Et pas n'importe comment : le détecteur se doit en effet de respecter le rythme de prononciation des personnages, mais aussi leur ouverture et fermeture de bouche. Ainsi, lorsque bande-mère et épisode démarrent simultanément, une phrase apparaîtra sur la bande au moment précis où elle sera dite à l'image par le personnage.

Adapter les sons et le ton

Une fois ce travail effectué, c'est au tour des adaptateurs de phosphorer. Dans le cas des Simpson, c'est Juliette Vigouroux et Alain Cassard qui s'y collent. Depuis le début de la série en France, ils trouvent le bon équivalent français aux dialogues originaux. De là à croire que chaque nouvel épisode n'est plus qu'une formalité... "Oh que non ! S'exclame Juliette Vigouroux. Cette série est un condensé de toutes les difficultés que l'on rencontre en adaptation." La première d'entre elles, c'est de trouver les mots qui correspondent aux mouvements des lèvres des personnages. Si c'est généralement plus simple avec un dessin animé, les aventures d'Homer and Co représentent un cas à part. "Au tout début de la fabrication d'un Simpson, les acteurs américains enregistrent leurs voix. L'animation est faite ensuite, et colle parfaitement aux dialogues anglais", raconte Juliette Vigouroux. En fait, la prononciation des personnages est même accentuée. "Par exemple, reprend l'adaptatrice, chaque fois qu'un personnage termine sur le son "f", les dents de sa mâchoire supérieure viennent recouvrir la lèvre inférieure." Et c'est plutôt coton de trouver le mot français équivalent, avec une sonorité approchante.

L'autre difficulté majeure, c'est d'adapter le ton de l'oeuvre originale, sans en dénaturer l'esprit. Et tout ça avec rythme, s'il vous plaît, puisque les dialogues sont destinés à être joués par des acteurs ! Le temps de ce travail est donc très variable : si certains longs-métrages peuvent être bouclés en un peu plus d'une semaine, un épisode des Simpson représente cinq journées entières de remue-méninges pour Juliette Vigouroux et Alain Cassard. Quand ils sont enfin arrivés au bout de leur tâche, les adaptateurs retranscrivent les dialogues français sur la bande-mère, au-dessus de la version anglaise. Les indications de la bande-mère, sans toutefois les dialogues anglais, sont ensuite reproduites sur un nouveau ruban, de même format mais cette fois transparent, la bande-rythmo". C'est elle qui sert pour la séance de doublage, maintenant imminente.

Pour les Simpson, ça se passe en région parisienne, à l'Européenne de doublage (ndlr : elle a été depuis remplacée par la SOFI). Debout dans une salle d'enregistrement, le comédien Philippe Peythieu, interprète d'Homer, est devant le micro destiné à enregistrer sa voix. Il fait face à un grand écran, sur lequel se déroule l'épisode du jour. Sous l'image défile, parfaitement synchronisé à l'épisode, la projection de la bande rythmo. Une projection coupée sur la gauche d'une barre verticale : c'est quand la phrase portée par la bande rythmo, venue de la droite, heurte ctte barre que Philippe Peythieu devra la prononcer. Pour l'heure, il n'a rien à dire. Car sur l'écran, Homer, chevauchant une rutilante moto, est muet. Mais le voilà stoppé au feu rouge, à hauteur de la voiture du policier Wiggum, qu'il se met à insulter copieusement. Au moment précis où la réplique heurte la barre verticale, Philippe Peythieu s'élance : "Tu peux rien contre nous, mon cochon, on dépasse pas les limitations de vitesse... Gruik, gruik, gruik ! ..."

"Poulet", c'est mieux que "cochon"

Le comédien est aussitôt interrompu : "Attends, Philippe, ça ne fonctionne pas, ça. Traite-le plutôt de "poulet", pas de "cochon". Et ensuite, caquette comme une volaille, au lieu de couiner !" C'est Christian Dura qui vient de donner ces directives. Comme tout directeur de plateau de n'importe quel doublage, c'est le chef d'orchestre de la séance, veillant à ce que les comédiens jouent leurs partitions sur le ton juste. Et en l'occurrence, entre Christian Dura et les Simpson , c'est une longue histoire : il est non seulement de l'aventure depuis le début, mais c'est également lui qui, avec l'équipe américaine créatrice de la série, a choisi les comédiens qui interprètent en France la célébrissime famille.


"Pas moins d'une vingtaine d'acteurs ont été auditionnés pour chacun des quatre rôles", se souvient Christian Dura. Un casting sévère auquel doivent se plier tous les comédiens au début d'un doublage. Pour cette série, les heureux élus furent le susnommé Philippe Peythieu, Véronique Augereau pour Marge, qui, pour la petite histoire, forme aussi à la ville un couple avec Peythieu, Aurélia Bruno pour Lisa et Joëlle Guigui (oui, c'est une fille) pour Bart. Des comédiens qui, vous l'imaginez, n'ont pas, dans la vie, la voix couinante de leurs héros : Joëlle Guigui a fait pendant quatre ans l'habillage de la station de radio RTL2, c'est dire que sa voix peut prendre des contours d'une suavité totalement étrangère à celle de Bart Simpson.

Surprenante rencontre avec son personnage

Se mettre dans la peau, jaune, des Simpson n'a d'ailleurs pas été facile. Philippe Peythieu a encore en tête sa première "rencontre" avec Homer : "Les américains pensaient que nous n'aurions pas besoin de beaucoup d'indications, sous prétexte que c'est un dessin animé. Si bien que la première fois que j'ai entendu la voix d'Homer, c'était à partir de la seule cassette que m'avait fournie la production, un doublage mexicain !" L'aspect plutôt révolutionnaire des graphismes avait également de quoi surprendre. "Lorsque nous avons travaillé sur le premier épisode, raconte Véronique Augereau, c'était très peu de temps après sa diffusion aux Etats-Unis. Ces personnages aux yeux globuleux, on n'était vraiment pas sûr que ça puisse marcher en France !" Pourtant, le succès fut au rendez-vous. Aujourd'hui, les comédiens connaissent leur personnage sur le bout des doigts. Si bien que lorsque la séance se termine, la "famille Simpson" a quasiment terminé trois épisodes.

Dans une semaine, ce sont les comédiens titulaires des seconds rôles qui viendront enregistrer leurs répliques, et les dialogues français seront fin prêts. Il ne restera plus qu'à les "mélanger" avec la musique et les bruitages. Cette opération, le mixage, assez longue pour un long-métrage garni d'effets sonores, est l'affaire de deux heures pour un ingénieur habitué aux péripéties des Simpson. Les épisodes seront quasiment parés pour la diffusion, nantis d'une version française qui n'aura pas à rougir de la comparaison avec son homologue américain. Grâce à un travail nickel d'adaptation et à la fougue des comédiens. "C'est que le doublage, explique Christian Dura, ce n'est pas juste une voix posée sur de l'image. C'est un véritable travail de composition, où les acteurs doivent totalement se fondre dans la peau de leur personnage." Même lorsqu'ils ont les yeux globuleux et les cheveux bleus.


Photo prise lors de l'enregistrement de l'épisode Moe'n'a Lisa le 20 avril 2007



Vidéo prise lors de l'enregistrement de l'épisode Moe'n'a Lisa le 20 avril 2007

Article de Olivier Lascar paru dans le "Science et Vie Junior" (Août 2000)
Crédit photos : Hervé Mouyal, Heub et Marc Chaumeil

Article publié le 11 février 2005 par Neotheone.
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